En horlogerie, le Swiss Made fait rêver. Mais en lisant cet article vous allez comprendre que ce label n’est pas un gage de qualité et on va vous expliquer pourquoi, à l’aide d’exemples concrets.
Comment obtenir le label Swiss Made ? En simplifiant, la législation exige que :
1 : Le mouvement soit Swiss Made.
2 : Le coût total de la montre soit au minimum 60 % issu de fabrication Suisse (mais parfois le mot « fabrication » cache le mot « facturation » et donc, il peut y avoir tromperie pour le client).
Exemple d’une configuration de montre Swiss-Made bas-de-gamme :
1 : Mouvement Swiss-made en version élaborée : 78 euros.
2 : Prix du reste de la montre (de fabrication chinoise) + assemblage (suisse) : 52 euros…
Coût total de fabrication de la montre : 130 euros… C’est moins cher que le seul bracelet de la Bohen Mille-Mer (et la boucle n’est même pas inclue).
Prix de vente de ces montres sur internet (en direct du fabriquant) : entre 450 et 800 euros.
Ainsi, toutes les montres Swiss-Made dans cette fourchette de prix sont en réalité Made in China. Mais ce n’est pas vraiment là qu’est le problème. Le vrai problème, c’est qu’avec 52 euros, vous ne pouvez pas avoir une boite, un fond de boite, un cadran, des aiguilles, une couronne, un bracelet et une boucle de qualité.
Voilà pourquoi le label Swiss Made ne signifie en aucun cas qu’une montre Suisse est de qualité supérieure à une montre non suisse, d’autant que Miyota, fournisseur de solides mouvements japonais, vous offrira une aussi bonne fiabilité et une précision comparable (dans ce niveau de gamme) pour moins cher.
Origine :
Prenez une Rolls-Royce ou une Aston-Martin, symboles du luxe absolu en automobile. Est-ce que ces marques anglaises produisent des voitures vraiment anglaises ? Non. Idem pour BMW. Aujourd’hui, toute production est internationale, pour des raisons de technologie et de prix de revient.
Avec la mondialisation, beaucoup de fabricants Suisses, en perte de compétitivité, ont été rachetés par des groupes allemands et ont su redevenir concurrentiels face aux usines chinoises. Comment ? En acceptant la notion de fabrication internationale :
1 : Supériorité du savoir faire des horloger suisses.
2 : Investissements des partenaires allemands.
3 : Optimisation des coûts fabrication, parfois, avec une part cachée de fabrication asiatique. Mais sans réduction de la qualité.
Lorsque je vivais au Vietnam, j’ais rencontré un Suisse très sympathique qui avait monté un atelier de joaillerie dans le troisième district d’Ho-Chi-Minh. Un de ses clients était un des plus gros joaillier de la Place Vendôme (à Paris). Le secret était absolu. Évidemment, le but était de baisser le prix de fabrication, pour une qualité égale.
LA RUMEUR
Sur les blogs horlogers, on parle parfois de cette partie obscure de la fabrication. Certains l’affirment : il y aurait-il une unité de fabrication au Nouveau Mexique qui travaillerait pour Rolex. D’autres affirment avoir vu un atelier de sous-traitance Omega basé dans le Delta du Mékong. Est-ce vrai ? Est-ce une légende ? Je n’en sais rien mais ceux qui savent ne diront rien : l’horlogerie est un monde fermé et secret.
La seule question à laquelle on pourra répondre, c’est de savoir si la qualité des montres Rolex ou Omega est vraiment exceptionnelle. Et pour moi, la réponse est claire : OUI, ces deux fleurons de l’horlogerie suisse proposent ce qu’il y a de mieux à leurs clients. Donc, on en revient à l’exemple de Rolls et Aston Martin.
Swissness.
Au début de notre projet, nous étions obsédés par le pourcentage de Swissness de la montre. Un jour, par hasard, mon épouse est tombée sur un article qui parlait des personnes les plus influentes de l’horlogerie suisse. En lisant cet article, j’ai reconnu une personne avec qui j’avais fait mes débuts en horlogerie. J’étais designer junior, et cette personne (que nous appellerons « C ») commençait au service commercial. A tout hasard, j’ai envoyé un e-mail pour féliciter « C » de son parcours professionnel remarquable et pour l’informer de mon projet. Par chance, « C » m’a rapidement répondu et nous avons repris contact. Après lui avoir parlé de Bohen, « C » nous a tout de suite dit : ce n’est pas comme ça que tu vas obtenir le meilleur résultat au niveau de la qualité. Ce qu’il faut, ce n’est pas que ta montre soit Suisse à 100 %. Ce qu’il faut, c’est que tu ailles chercher le meilleur de la qualité pour tes clients, tout en restant accessible au niveau du prix.
« C » nous à donné un exemple très concret, qui va tout de suite vous éclairer :
Notre verre en saphir, Swiss-Made et résistant à 100 ATM, coûtait 21 francs Suisses.
« C » nous a montré le même verre, fabriqué en chine, mais pour 12 dollars…
Question : Le verre suisse est-il de meilleure qualité ?
Réponse de « C » : Aucune différence, parce qu’en réalité c’est le même. Le verre a été acheté en Chine, mais le traitement a été réalisé en suisse (ce qui permet de le rendre Swiss-Made).
Et voilà le rôle tendancieux que joue la mondialisation dans le Swiss-Made.
Alors à votre avis quel verre avons nous choisi ? Le moins cher, pour vous avantager ? Ou le plus cher, pour assurer une plus grande part de Swissness ?
La réponse est « aucun des deux », parce que « C » nous a ensuite présenté un fabriquant japonais qui fournit des lentilles pour l’aérospatiale et pour de grandes marques d’optiques, dans une qualité et un taux de pureté incomparables. En revanche, le prix du verre japonais nous a fait passer de 21 Francs suisses à 45 dollars. Pour ce prix, vous avez la Rolls des saphir.
De là, « C » nous a présenté le président d’un bureau d’études qui pilote la fabrication d’une marque suisse que vous connaissez tous, dont les prix de vente montent jusqu’à 20.000 dollars. En travaillant avec ce bureau, nous avons immédiatement eu accès aux sous-traitants des plus grandes marques et nos petites quantité n’ont soudain plus été un problème. Comme quoi, les relations comptent.
Qu’est-ce que cela nous a apporté ?
Une qualité qui nous installe sans aucun compromis dans la cour des grands.
Un prix qui ne dépasse pas la barre que nous avions fixé.
Une confiance dans le processus de fabrication.
Un très fort taux de Swissness.
Quels sacrifices avons-nous du faire ?
Notre marge est passée de X3 est à X2 (eh oui, forcément, il n’y a pas de miracle).
Le niveau de Swissness est moins élevé à cause du verre, mais aussi du packaging qui sera réalisé par le sous-traitant asiatique de plusieurs marques de luxe.
Grâce à cela, nous avons pu pousser notre travail plus loin et apporter toutes les subtilités qui définissent un produit de luxe : Un acier très pur, aux normes aérospatiales. Utilisation du Black Polish (le plus beau des polissages manuels) et utilisation d’une technique spéciale pour les effets de Brossé Profonds. Ce sont des finitions qui se verront et vous offriront une sensation de beauté. Idem pour le mouvement anti-magnétique : même s’il n’y a pas de fond transparent, notre mouvement modifié recevra des ponts perlés et de la côte de Genève.
Pour obtenir des index sertis uniquement sur trois côtés, nous avons crée une matière luminescente dans la masse puisque la peinture n’était plus applicable.
Pour les aiguilles : trois couches de Superluminova pour obtenir la plus haute intensité, ainsi que des pans inclinés et brossés. Tous ces détails génèrent le raffinement que vous ne trouverez que sur de montres de luxe, sans compter notre loupe de quantièmes que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Après tout, pourquoi se priver du meilleur .
Le luxe est un art,
L'exigence en est le cœur,
La rareté en est l'âme.